Type d'événement, date(s) et adresse(s)Journée(s) d'étude
Du à 9h au à 18h.
Laboratoire d’anthropologie sociale
52, rue du Cardinal Lemoine
75005 Paris

Kinésies religieuses

Thématique(s)Anthropologie

L’objectif de cette rencontre scientifique est d’examiner comment le corps est mis en mouvement, comment il est éduqué, modelé et contraint par la pratique d’une religion et comment, en retour, la pratique religieuse est transformée par les mouvements et les limites du corps. Chaque pratique rituelle – tout comme chaque univers d’action spatialisé d’ailleurs – produit une cinétique singulière qui donne forme et caractère aux concepts cosmologiques abstraits. Et, bien plus, elle fait émerger de nouvelles représentations religieuses.

L’intention ici est de mettre en lumière les dimensions spatiales, temporelles et relationnelles des kinésies religieuses. Quels sont les liens qui se nouent entre les pratiquants, le public rituel et les divinités, esprits ou ancêtres, à travers les manières de se mouvoir, de se déplacer et de se tenir ? Comment sont données à voir des variations entre différents états du corps (tonicité, relâchement, contractions musculaires) ? Comment la pratique religieuse est-elle liée à des expériences singulières de la gravité (équilibre et déséquilibres), de l’espace (directions, orientations des actions, rapport au sol, points d’ancrage) ou du temps (pulsation, durée du mouvement, rythmes internes, respirations etc.) ? Comment sont mobilisés les différents segments du corps, leur coordination ou leur dissociation ? On interrogera également la manière dont l’esthétique et les affordances des lieux religieux, des parures et des ornements, mais aussi les sons, les stimuli olfactifs et lumineux d’un rituel, contraignent le mouvement corporel et le ressenti. Les qualités matérielles de l’environnement dans lequel la gestuelle rituelle évolue stimulent certains sens et sensations au détriment d’autres. Quels schémas corporels en émergent et comment impactent-ils la pensée, l’émotion religieuse et la relation à l’invisible ?

La question de l’esthétique gestuelle permettra d’inscrire notre démarche à la fois à une échelle d’analyse macro – celui d’une collectivité ou d’une tradition –, et à une échelle micro, centrée sur l’idiosyncrasie de la performance individuelle. L’esthétique rend visibles et perceptibles des logiques propres à l’ensemble d’une société sous forme de canons et de patrons reconnaissables : qu’elle soit corporelle ou matérielle, elle constitue un système de représentations partagées. En même temps, les messages collectifs qu’elle projette sont toujours façonnés par des touches d’individualité, par des styles corporels personnels, des talents particuliers et des expressivités singulières. Une performance religieuse ne saurait affecter ses pratiquants comme ses destinataires si elle n’était imprégnée d’une émotivité et d’une sensibilité spécifique. On interrogera donc tant l’aspect généralisant des esthétiques religieuses (comment elles présentifient une tradition, un passé, une mémoire collective) que leur caractère singulier et innovant.

Nous nous intéressons également au mouvement dans l’immobilité à la manière dont les kinésies sont somatisées afin de créer des modes de présence singuliers. Même en état d’immobilité apparente, certaines techniques du corps provoquent des effets (tels la surprésence, le rayonnement, la vibration) et des émotions (telles la peur, l’enchantement, le respect de l’autorité) qui définissent l’ambiance du rituel. D’un point de vue plus individuel et intime, on cherchera également à saisir la manière dont les modes de présence religieuses sont en relation avec des qualités d’attention, d’écoute, de concentration et de conscience.

Nous souhaitons aussi appréhender les modes de présence des images et des objets religieux, leur manière d’incarner ou d’impulser un mouvement. Quelles sont les qualités corporelles et prédispositions kinesthésiques des divinités incarnées ? Comment s’établissent des correspondances entre leurs motricités et celles des pratiquants ? De quelles manières s’opèrent des jeux de miroir corporels entre le monde visible et invisible ? Autant de questions qui reflètent le caractère encore balbutiant d’une anthropologie du mouvement.

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