Type de contenuProfesseur invité

Anne - Christine Trémon

Conférences
Thématique(s)Urbaines (études)
Anne - Christine Trémon

Anne-Christine Trémon est maîtresse d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, membre du Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle (LACS).Ses recherches actuelles portent plus particulièrement sur les processus d’urbanisation et d’approvisionnement en biens publics, et des questions de rapport à l’Etat et d’évaluation morale qu’elles impliquent.Elle a publié deux ouvrages monographiques, Chinois en Polynésie française.Migration, métissage, diaspora (2010) et Pour la cause de l’ancêtre. Relation diasporique et transformations d’un village globalisé, Shenzhen, Chine (2018), tous deux aux éditions de la Société d’ethnologie (Nanterre). Elle participe au Programme Professeurs invités de l'EHESS, sur proposition de Laurent Berger (Laboratoire d'antrhopologie sociale-LAS). 

Conférences

Relations cœur-périphérie versus dichotomies globales : destinations d’émigration et flux financiers dans la diaspora chinoise.

Séminaire coordonné par Natalia Muchnik, Mathilde MongeetMarie-Carmen Smyrnelis, « Aux marges des diasporas : sociabilités des lieux « autres » (16e-19e s.) »

Les dichotomies « Nord/Sud global » ainsi que les théories de la globalisation qui substituent aux relations cœurs-périphéries des « disjonctions » entre flux sont remises en question par des auteurs qui voient dans la globalisation contemporaine l’expression du déclin hégémonique d’un « système monde » occidentalo-centré (Friedman 1994, 2005) et sa « ré-orientation » en Asie (Frank 1998, Pomeranz 2000, Arrighi 2007). Frank Pieke (2009) a proposé de développer une « géographie processuelle » de ce qu’il appelle la « globalisation chinoise », ou l’émergence de la Chine comme l’un des nouveaux centres de l’économie mondiale. Mes recherches portent sur les conditions, les conséquences et les appréhensions de ce changement au ras du terrain, à travers le prisme de la relation entre un ancien village d’émigration en Chine méridionale et sa diaspora. Plutôt que de contextualiser mes observations à l’intérieur de cadres analytiques préexistants, je déploie une géographie et une histoire processuelles de cette relation, en replaçant les relations cœurs-périphéries en contexte. Je montre en quoi les destinations successives des flux d’émigration et l’implication changeante de la diaspora dans les flux financiers de donations pour les bonnes œuvres villageoises révèlent des repositionnements des émigrants et de leur village d’origine dans le système monde. Ceci requiert de prêter attention aux différentes échelles d’une manière qui complexifie les cadres analytiques « macro ».

  • Jeudi 17 janvier, 17h-19h, EHESS-salle5, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris

 

Ethnographies multisite et multiscalaire : les échelles de l’action

Séminaire coordonné par Laurent Berger, « ethnographie globale de la mondialisation (cycle 7) »

Dans la perspective d’une anthropologie globale attachée à resituer l’ici et le maintenant de l’enquête ethnographique dans des chaînes spatio-temporelles qui excèdent celles du terrain,  mon approche s’est inspirée de l’attention aux séquences d’interaction qui se trouvent au cœur des études de cas situationnelles et étendues développées par les anthropologues de l’école de Manchester. Tout en conservant son intérêt envers la morphologie sociale, elle en élargit l’acception et la réoriente vers les processus historiques de constitution et de transformation des positionnements sociaux et des formes sociales, et prête attention à la définition par les acteurs de la situation telle qu’elle apparaît dans les séquences d’interactions et de mobilisations collectives. Elle suppose d’effectuer une distinction entre les ordres de grandeur micro/macro de l’unité d’observation, et local/global des actions des sujets de l’enquête. Une telle anthropologie globale se distingue en cela d’une anthropologie de la globalisation qui appréhende celle-ci, le plus souvent, sous un angle macroscopique. Elle engage une démarche processuelle qui restitue la genèse des formes sociales produites par l’action des individus et des collectifs ainsi que les actions de (ré)échelonnement qui contractent ou étendent des chaînes de relations spatiotemporelles. Elle prête attention aux propriétés scalaires émergentes des collectifs sociaux – l’échelle comme portée – mais aussi aux échelles en tant qu’elles constituent un enjeu de l’interaction et de la reproduction sociale – l’échelle comme étalon relationnel de valeur.

  • Lundi 4 février, 10h-13h, EHESS-salle 8, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris

 

Sociodicées de l’(im)mobilité et sphères d’appartenances situationnelles dans un ancien village d’émigration de Shenzhen

Séminaire coordonné par Isabelle Thireau, « Normes sociales et légitimité en Chine contemporaine »

Les habitants de l’ancien village d’émigration de Fort-les-Pins, aujourd’hui un quartier de Shenzhen, déploient deux types d’évaluation morale des destinées des émigrés et de ceux qui ne sont pas partis. Je propose de les concevoir comme des « sociodicées ». Dans la première, ce qui prévaut est une théorie qui valorise à posteriori la « décision » de rester et qui place l’accent sur l’avènement de la prospérité comme une récompense morale. La seconde met l’accent sur l’habituation à un mode de vie étranger et justifie ainsi la distanciation réciproque entre locaux et émigrés ou descendants d’émigrés. L’analyse de ces deux types de récit conduit à aborder les évaluations changeantes des appartenances locales et globales du point de vue des locaux membres du village et du lignage et selon une perspective qui cherche à se défaire de tout nationalisme méthodologique. Des expériences divergentes de l’(im)mobilité modèlent des sphères d’appartenance situationnelles et changeantes : l’une est partagée entre les villageois et leur diaspora contre l’Etat; une autre différencie les locaux et l’Etat de la diaspora, du fait à la fois de leur traditionalisme supposé et de leur « acculturation ». Et pourtant, une troisième sphère d’appartenance se dessine, centrée sur la communauté locale elle-même, dont les membres valorisent un mode de vie modeste à l’encontre de celui des entrepreneurs hyper-mobiles, qui sont valorisés dans le discours étatique sur l’esprit d’entreprise et le patriotisme diasporiques.

  • Vendredi 8 février 9h-13h, EHESS, salle A07_51, 54 boulevard Raspail 75006 Paris

 

Relation diasporique et transformations d’un village globalisé, Shenzhen, Chine.

Séminaire coordonné par Olivier Marichalar et Simeng Wang, « La Chine contemporaine : l’apport des sciences sociales »

L’enquête menée à Shenzhen porte sur la relation diasporique changeante entre un ancien village lignager de Chine méridionale et ses émigrés et descendants d’émigrés, en Polynésie française et ailleurs dans le monde. Elle rend compte de l’affaiblissement de cette relation, en même temps que de la persistance de liens moraux, affectifs, et symboliques, dans la Chine de l’ère des réformes et de l’ouverture. La création de Shenzhen, la plus ambitieuse des Zones économiques spéciales chinoises, a été, à partir de 1979, le signal de l’ouverture chinoise aux capitaux de l’étranger et le laboratoire des réformes économiques et sociales. Cette réouverture s’est accompagnée de reconnexions entre les localités d’origine et la diaspora, encouragée par les autorités chinoises à venir visiter les villages d’origine et à contribuer financièrement à leur développement. Suivant une démarche processuelle, c’est plutôt ici de l’effet en retour de ces transformations sur les relations avec la diaspora qu’il s’agit. C’est donc au prisme de la relation diasporique que sont abordées les transformations du village de Fort-les-Pins, indissociables des changements qui ont bouleversé la Chine au cours des dernières décennies. Devenu administrativement un quartier de Shenzhen, mégapole à la croissance fulgurante, ce « village-dans-la-ville » a vu son paysage et sa population radicalement transformés en l’espace de trente ans. Les habitants natifs de Fort-les-Pins ne sont plus les pauvres paysans dépendants de leurs riches cousins à l’outre-mer qu’ils étaient encore il y a quelques décennies. J’examine comment, dans ce contexte de mutations accélérées, le sens conféré à l’émigration a changé en même temps que la relation à la diaspora.

  • Mardi 9 avril, 15h-17h, salle 4, 105 boulevard Raspail.

  

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