Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

KAUNARI. Optique de l'imagination et épistémologie du savoir rituel dans les chants chamaniques des Wixaritari du Mexique

Yann Hutin

Résumé

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Un homme qui se travestit en vachère à l’issue d’un sacrifice de taureau ; un autre qui bêle et fait mine de s’autosacrifier après la mise à mort d’un mouton. Conventionnelle et redondante ou spontanée et fugace, de quoi ces comédies rituelles des Wixaritari du Mexique sont-elles l’expression ? Pour y répondre, le premier volume de la thèse restitue les résultats d’une enquête sur les modalités d’acquisition, de représentation et de projection du savoir rituel, telle qu’elle a été menée au sein d’un groupe cérémoniel. Au moyen de photographies et de schémas sociologiques, on comprendra comment les initiés qui composent ce collectif observent des cultes concurrents. S’ils reçoivent une charge matrilinéaire dans le lignage des parents de la femme, ils reproduisent également la geste des ancêtres mythiques en tant que membres de lignées dont le patronyme hispanique se perpétue.    Au sein de ces organisations où l’antagonisme sociologique et rituel est prégnant, avec pour enjeu la transmission du savoir chamanique par voie utérine, les beaux-frères occupent une fonction capitale. Guides d’une expédition de chasse au cerf réelle et symbolique en amont de la Semaine sainte, ils s’opposent à un trio de sacrificateurs personnifiés par Vent-Étranger, Puma et le cerf Pāritsika. Ce pèlerinage les conduit aux confins de leur territoire culturel, jusqu’à une colline qui surplombe un bourg minier exploité au temps de la colonisation espagnole et qui, en même temps, figure l’espace de la connaissance. Lors du retour dans la communauté indigène, ils s’associent pour sacrifier un agneau à l’endroit où est apparu un crucifix auquel les Wixaritari vouent un culte. Les cérémonies qu’ils réalisent par la suite pour les « croix » – bâtons-personnes et effigies d’origine catholique – trouvent leur origine dans ce complexe cynégétique et sacrificiel.    Cependant, seule l’analyse comparée de deux chants chamaniques, l’un de chasse, l’autre de sacrifice, intégralement traduits dans le second volume de la thèse, nous offre le moyen d’identifier le motif caché qui guide ces pratiques. La relation intertextuelle qui unit ces performances orales illumine les raisons qui poussent nos beaux-frères de l’avant à réaliser une comédie taurine, tandis que le trio de l’arrière s’adonne à une parodie ovine. On montrera comment les autels qu’ils élaborent à l’issue des sacrifices d’animaux adoptent les principes de la construction perspective. Ce phénomène se trouve également exprimé dans les chants chamaniques qui, à la manière d’un diptyque, font passer les représentations d’un plan à l’autre en fonction de la valeur épistémique que les auditeurs accordent aux énoncés.    La séquence de sacrifice de taureau doit à ce titre être considérée comme une énigme en clef de cerf : les angles relationnels définis dans les rituels de chasse configurent les contours d’un prisme identificatoire qui engendre des matrices d’antagonismes. L’optique indigène de l’imagination que développent les chants chamaniques, à partir d’une perception sensible du territoire ancestral, se voit ainsi projetée dans des comédies rituelles qui sont les expressions les plus spectaculaires d’un genre original d’historiographie indigène, faisant de la moquerie un phénomène constamment présent.

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Jury

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  • M. Carlo Severi (Directeur de thèse), EHESS
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  • M. William Hanks, Université de Californie à Berkeley
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  • Mme Regina Lira Larios, UNAM
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  • M. Perig Pitrou, CNRS
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  • Mme Anne-Christine Taylor, CNRS
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  • Mme Valentina Vapnarsky, CNRS
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