Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Vivre avec la Vierge. Les relations rituelles à la Vierge Marie au sein d'un christianisme contesté (Salta Capital, Argentine)

Ottavia Paterno

Résumé

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Située à la limite méridionale des Andes, en Argentine, la ville de Salta Capital se configure comme une terre de frontière, traversée par des influences différentes qui en constituent l'identité. Le catholicisme local est composé de multiples cultes et pratiques rituelles aux origines différentes, alors que la montée des églises évangéliques et les courants charismatiques complètent le tableau d'un christianisme contesté, instable et ouvert au changement. L'Église catholique agit à l'intérieur de ce champ pluriel en exerçant une œuvre d'évangélisation des pratiques populaires, superstitieuses et indigènes. La volonté de délimiter et contrôler les frontières de l'orthodoxie génère de l'anxiété auprès des croyants qui se montrent soucieux d'établir une réputation de bons chrétiens et qui mettent en acte des processus de négociation et d'interprétation visant à assoir la légitimité de leur pratique. Le présent travail s'inscrit ainsi dans des débats propres à l'anthropologie du christianisme, qu'il aborde à partir d'une approche centrée sur l'analyse pragmatique des actions rituelles inspirée au travail de Houseman et Severi. L'enquête de terrain a été menée auprès d'un groupe de personnes, surtout des femmes, qui ont des origines Diaguitas et Kollas, mais habitent la ville depuis une ou plusieurs générations, où elles mènent une vie assez précaire. L'enquête était focalisée en particulier sur deux rituels faisant partie de la religiosité domestique et dédiés à la Vierge Marie, qui est la figure centrale du catholicisme local : le rosaire et les rituels de la Vierge d'Urkupiña, d'origine bolivienne. Les deux rituels sont très représentatifs de la religiosité domestique du quartier, mais incarnent aussi la pluralité et la conflictualité inhérente à ce contexte. À première vue, ces deux rituels peuvent en effet apparaître sous des nombreux aspects, antinomiques : le premier est une pratique principalement solitaire, contemplative et fondée sur la connaissance de l'Évangile et des prières officielles du catéchisme ; les deuxièmes sont principalement collectifs, fondés sur la manipulation d'objets rituels et liés au christianisme andin. Les deux pratiques sont pourtant très diffusées au sein des mêmes communautés et des mêmes familles où elles intègrent une religiosité domestique et quotidienne. L'étude conjoint de ces deux phénomènes permet ainsi de dévoiler les conflits existants dans un champ religieux contesté et les stratégies mises en actes par les croyants qui s'efforcent d'établir une réputation de bons chrétiens. Au travers d'une analyse centrée sur les actions rituelles, les histoires de vie et la parole des dévots, la présente ethnographie montre que tant les dévots du rosaire comme ceux de la Vierge d'Urkupiña trouvent une solution à cette conflictualité en par l'établissement d'un lien intime à la Vierge Marie fondé sur l'action réciproque. Chaque acte rituel participe d'une relation de réciprocité faites d'échanges d'offrandes et des grâces qui déborde le cadre rituel en donnant vie à une véritable économie du miracle au quotidien. Cette relation est investie d'affects et apparaît conçue sur le modèle de la parenté qui appartient à la région andine et qui se fonde sur la primauté des liens pragmatiques de l'entre-aide et du soin. La Vierge agit en effet comme une mère idéale qui prend soin de ses enfant par l'octroi de miracles. Face à un catholicisme contesté, les dévotes trouvent alors la confirmation du bien-fondé de leur pratique dans les signes concrets de la présence de la Vierge à leurs côtés, affichant ainsi une croyance solidement ancrée au lien pragmatique qu'elles établissent avec cet être. Le présent travail montre alors la nature relationnelle et contextuelle de religiosité locale, qui permet aux dévotes de dépasser l'instabilité de ce champ religieux pluriel par l'établissement d'une relation intime avec la Vierge Marie à l'intérieur de la sphère domestique.

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Jury

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  • M. Carlo Severi (Directeur de thèse), EHESS
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  • Mme Veronica Giménez Béliveau, Université de Buenos Aires
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  • Mme Andréa-Luz Gutierrez Choquevilca, EPHE
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  • M. William Hanks, Université de Californie Berkeley
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  • M. Guillermo Wilde, Université de Buenos Aires
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  • Mme Isabel Yaya Mckenzie, EHESS
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