Laurent Barry

Maître de conférences EHESS, Enseignants Chercheurs

Laboratoire d’Anthropologie Sociale, 52 rue du cardinal Lemoine, 75005 Paris

Tél : 00 33 (0)1 44 27 17 31

Courriel : Laurent Barry

Ethnologue 

Présentation (English below)

Mon travail de recherche gravite autour de deux principaux axes. En premier lieu autour de l’étude des systèmes de parenté.

Les systèmes de parenté

Longtemps tenues pour le « noyau dur » de la discipline, les études de parenté connurent par la suite une durable éclipse, victimes comme bien d’autres de la déferlante néo-relativiste qui submergea l’anthropologie sociale au cours des décennies 70-90.

À partir de cette date cependant, le reflux s’amorça, et l’on ne peut que constater que ces dernières années furent a contrario marquées par un vif regain d’intérêt pour cette thématique, laquelle s’était entre-temps étoffée de quantité de questionnements nouveaux.

Mon travail ne s’attache pas à retracer l’évolution historique de l’étude de cet objet, mais bien plutôt à essayer de rendre compte à partir d’un même modèle explicatif de systèmes matrimoniaux d’une grande diversité formelle, géographique et historique : systèmes « complexes », « élémentaires », « endogames », etc.

Cette théorie des groupes de parenté se fonde sur deux postulats principaux. Premièrement sur l’idée que les unions dépendent non d’un principe positif d’échange entre groupes discrets, mais d’une perspective négative interdisant l’union au sein du « groupe de parenté » ; en second lieu sur l’idée que l’inclusion d’un individu dans ce dernier dépend de principes (souvent exprimés sous la métaphore corporelle, mais parfois liés à la transmission de la langue, à la commensalité, aux obligations de deuil, etc.) dont les vecteurs sont les éléments du couple dont il est issu.

 

La seconde orientation de mes recherches vise l’étude des changements et des transformations sociales et la différenciation entre les modèles rendant compte des phénomènes évolutifs dans les sciences de la vie et ceux susceptibles d’être utiles aux sciences de l’homme.

De la raison biologique à la logique sociale

Les normes et institutions humaines, entendu lato sensu, partagent en commun avec celles dont sont dotées d’autres espèces animales, d’être « adaptées » à des contextes particuliers. Elles ne sont pas, en ce sens, des réponses individuelles ou stochastiques mais empruntent bien à un faisceau restreint de possibles, ce qui nous dévoile clairement leur caractère « légal » et normé.

Pourtant, elles se distinguent drastiquement des comportements animaux au moins sur deux points essentiels : Cette « variabilité restreinte » qui les caractérise ne repose pas sur une diversité biologique de l’espèce, fruit d’un processus de sélection naturel : à l’échelle de temps historique où l’on peut observer l’évolution des institutions d’Homo sapiens, aucune modification génétique d’importance n’est intervenue et n’est donc en mesure de justifier la diversité de son rapport au monde.

Cette diversité ne témoigne pas non plus d’une réponse comportementale épigénétique appropriée face à une diversité de contextes écologiques spécifiques ; les institutions humaines sont souvent fort variables au sein d’une même « niche écologique » et peuvent être largement convergentes dans des contextes écologiques très disparates. La notion de « contexte adaptatif » chez l’Homme ne peut donc être entendu qu’au sens de « contexte social », d’interaction intra ou interculturel.

Or, le modèle global dont dispose les sciences de la vie pour rendre compte de l’idée de changement et d’adaptation des « normes » - i.e. des conduites récurrentes propre à une espèce animale particulière -, est celui néo-darwinien développé dans le cadre de la théorie synthétique de l’évolution. Il suppose nécessairement la présence de l’un ou l’autre de ces phénomènes pour rendre compte de l’origine d’une diversification ou d’un changement des « comportements ».

Faute donc de pouvoir invoquer un soubassement biologique possible à l’origine de la variabilité et de l’évolution des institutions et représentations humaines, il nous faut nécessairement admettre qu’elles ressortent à une raison purement « sociologique » et culturelle.

Mais de quelle nature peut alors être une « logique de la culture », ainsi entendu, susceptible de se substituer (ou, pour le moins, de se superposer) chez l’Homme à celle régissant le procès de la sélection naturelle si l’on considère qu’elle a elle-même émergée de ce dernier processus ? Quel rapport entretiennent ces deux ordres de faits, « évolution biologique » versus « évolution sociale », si l’on retient l’idée que, si la première a donnée naissance à la seconde, cette dernière fait à présent montre d’une prégnance supérieure : les structures sociales des communautés humaines « échappant » largement aux « contraintes » naturelles ?

Nous examinerons dans ce séminaire les tentatives qui se sont essayées à rendre compte de ces questions. Des travaux quelque peu caricaturaux des sociobiologistes qui - en ramenant la diversité des comportements humains à une stratégie du « gène » - se heurtent nécessairement au constat de la diversité des institutions sociales, aux études (moins simplistes mais également critiquables en ce qu’elles proposent généralement de transposer en l’état la théorie évolutionniste à l’étude de la culture) des cognitivistes contemporains, qui entrevoient des bases - au moins partiellement  - « sociologiques » à ces phénomènes.

A partir de l’étude de certaines institutions sociales se prêtant aisément à la comparaison – notamment celle des systèmes de parenté mais aussi des systèmes taxinomiques développés par certaines cultures (particulièrement ceux abordant une cladistique de l’humain et fondés sur les notions emic d’ethnie, de classe, de caste, de « races », etc.) – mon travail s’essaye à cerner les bases possibles d’une théorie des « transformations sociales » qui soit enfin débarrassée de l’omniprésence du modèle biologique ainsi, bien entendu, que de toute scorie idéologique héritée du modèle hiérarchique et téléologique développé par l’anthropologie évolutionniste du XIXe siècle.

L’exploration des multiples facettes de ces phénomènes liés à la parenté et à l’idée de changement social a déjà fait l’objet de diverses publications et communications orales. Elle constitue la trame de fond des séminaires que je dispense à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

 

Thèmes de recherche

  • Parenté,

  • Changement social

 

Terrains

  • Peuls, Cameroun, Afrique

 

Enseignements et séminaires

  • « Atelier de formation : Parenté I/Parenté II » (avec Isabelle Daillant, Klaus Hamberger, Michael Houseman et Enric Porqueres).

 

Principales publications

  • 1998b « Les modes de composition de l’alliance. "Le mariage arabe"», L’Homme, 147 : 17-50.

  • 2000b (sous dir.) Question de parenté, numéro spécial de L’Homme, 154-155.

  • 2000c « Le mariage endogame en Afrique et à Madagascar » in Laurent S. Barry (sous dir.), Question de parenté, numéro spécial de L’Homme, 154-155 : 67-100.

  • 2002b « Enseigner la parenté », (présentation du dossier) Gradhiva, 32 : 71-76.

  • 2005d « Hymen, Hyménée ! Rhétoriques de l’inceste dans la tragédie grecque », L’Homme, 175-176.

 

IN ENGLISH

My research revolves around two main pillars. The first of these is the study of kinship systems.

Kinship systems 

Long considered the “hard core” of the discipline, kinship studies later experienced a significant eclipse. Like many other disciplines, they were a victim of the surge of neo-relativism in social anthropology during the 1970s-‘90s.

However, since the 1990s on, an opposite push has been developing. We cannot help but note over the past years a lively revival of interest in this subject, which in the meantime has been enriched by a number of new lines of inquiry.

My research seeks not to retrace the historical evolution of the study of this subject, but rather, based on the same explanatory model, to elucidate marital systems with a wide formal, geographic and historical diversity: “complex”, “elementary”, or “endogamous” systems, etc.

This theory of kinship is founded on two main premises: the idea that unions depend not on a positive principle of exchange between separate groups, but rather on a negative viewpoint prohibiting unions within the “kinship group”; and the idea that the inclusion of an individual into the group depends on principles (often expressed by means of the metaphor of the body, but at times relating to the transmission of language, commensality, mourning obligations, etc.) conveyed by aspects of the couple that produced this person.

The second focus of my research is the study of social changes and transformations, and the difference between the models that explain evolutionary phenomena in the life sciences and those likely to be used in the social sciences and humanities.

From biological reason to social logic

Human norms and institutions, understood lato sensu, share aspects with those of other animal species, namely the fact of being “adapted” to specific contexts. In this sense, they are not individual or stochastic responses but rather borrow from a limited set of possibilities, which clearly reveals their “legal” and normed nature.

They are nonetheless radically different from animal behaviour in at least two essential respects. Their “limited variability” is not based on the biological diversity of the species resulting from natural selection. Since no significant genetic modifications have taken place over the historical timeline on which the evolution of Homo sapiens can be studied, it cannot adequately justify the diversity of their relationship to the world.

Nor is this diversity indicative of an appropriate epigenetic behavioural response to a variety of specific ecological contexts, for human institutions often vary widely within the same “ecological niche” and can be largely convergent across diverse ecological contexts. The notion of “adaptive context” with regard to humanity can therefore be understood only in the sense of “social context” and intra- or inter-cultural interaction.

The global life sciences model for explaining the idea of the change and adaptation of “norms” – that is, recurrent behaviours peculiar to a particular animal species – is the neo-Darwinian model developed in the context of the synthetic theory of evolution. It necessarily implies the presence of one or another of these phenomena to explain the origin of a diversification or change in “behaviours”.

Therefore, for want of a possible biological basis for the variability and evolution of human institutions and representations, we are forced to admit that they pertain to a purely “sociological” and cultural reasoning.

What could possibly be the nature of a “logic of culture” thus understood, likely to substitute (or at the least, overlay), in the case of humans, that governing the natural selection process, if we consider that this logic itself emerged from the latter? What is the relationship between these two orders of facts, that is, “biological evolution” versus “social evolution”, if we agree that while the former begot the latter, the latter is currently more pervasive? Do the social structures of human communities largely “escape” natural “constraints”?

In this seminar, we will examine the attempts that have been made to answer these questions. This includes certain somewhat caricatural research of socio-biology researchers who, by reducing the diversity of human behaviour to a “genetic” strategy, are necessarily in conflict with the observation of the diversity of social institutions. They likewise disagree with the studies of contemporary cognitivists, who perceive at least partially “sociological” bases behind these phenomena. (Their studies are less simplistic but equally open to criticism, given that they generally transpose the theory of evolution to the study of culture).

My research is based on the study of certain social institutions that can easily be compared, that of kinship but also the taxonomic systems developed by certain cultures, especially those covering human cladistics founded around the emic notions of ethnicity, class, caste, “race”, etc. It undertakes to pinpoint the possible foundations of a theory of “social transformations” finally rid of the omnipresence of biological model and of the ideological remnants inherited from the hierarchical and teleological model developed by nineteenth-century evolutionist anthropology.

The exploration of multiple facets of these phenomena related to kinship and to the idea of social change has already been the subject of many publications and oral discussions. It constitutes the underlying theme of the seminars that I deliver at the École des Hautes Études en Sciences Sociales.

Resarch topics

  • Kinship
  • Social changes

Fields

  • Fula people
  • Cameroon
  • Africa