Axe de recherche / Écologies et formes de vie

Le LAS, par son approche comparative, porte un éclairage singulier sur les rapports entre les sociétés et leurs environnements. Nombre de ses membres adoptent une perspective qui traite les éléments non humains de l’écosystème comme des actants au même titre que les humains. Cette perspective renouvelle l’approche tant des thèmes traditionnels de l’anthropologie environnementale et des ethnosciences que des questions brûlantes que posent les conflits d’interprétation de la nature entre organismes gestionnaires (nationaux et internationaux) et populations – notamment en raison du changement climatique, de l’industrialisation des ressources terrestres, des écocides, des transformations de la génétique –, ou encore le développement des espèces invasives et les zoonoses. D’autres chercheur.e.s privilégient un point de vue humain sur les interactions entre les hommes et les autres êtres vivants, prenant acte de la dissymétrie des relations et attachés à une compréhension des pratiques tenant compte des intentions.

Cet axe de recherche centré sur la diversité des écologies traverse toutes les aires culturelles (de l’Amérique à l’Arctique, de l’Océanie à l’Afrique, de l’Asie à l’Europe) et concerne autant les sociétés autochtones, locales, qu’industrialisées et globalisées. Il n’entend pas renouer avec une écologie culturelle qui défendrait l’idée que les cultures et les sociétés, ainsi que leur évolution, sont déterminées par des processus d’adaptation à leur milieu naturel. À l’heure où la question de l’anthropocène est débattue, cet axe renouvelle la démarche des ethnosciences, en conjuguant le biologique, l'écologique, le culturel et le social. Appuyé sur de solides ethnographies et enrichi par de nouveaux objets d’étude, il dialogue activement avec d’autres disciplines, telles que l’histoire environnementale, l’éthologie, l’archéologie et la biologie et les sciences du vivant, dans une pluralité d’approches théoriques. Le LAS s’est positionné, lors du contrat en cours, sur le plan national et international sur des thématiques comme l’anthropologie du nomadisme, l’anthropologie des zoonoses, hébergeant plusieurs projets financés par l’ANR (Regwet, LifeChange) et la Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires du CNRS (ECOPATHS, COVILAB), une fondation étrangère (Canadian Institute for Advanced Research).

Plusieurs champs d’investigation peuvent être distingués. Une réflexion partagée par de nombreux membres du laboratoire sur l’anthropologie de la nature s’est développée autour de la chaire de P. Descola. Elle offre un regard critique sur des catégories aujourd’hui nuancées. La nature suscite en effet des controverses, des inquiétudes et des mobilisations sur les thèmes du climat, de la biodiversité, du paysage, des modes de production et d’alimentation, de l’espace urbain, de la relation au corps et à la procréation. Qu’elle soit exploitée comme une ressource économique ou magnifiée comme source de créativité, elle inspire des pratiques et des techniques où se tissent les rapports entre sociétés humaines, animaux, végétaux, et minéraux. L’anthropologie de la nature s’est développée au LAS pour comprendre les relations entre les êtres vivants, au sein des écosystèmes (plantes, animaux, microbes, minéraux, …) qu’elle aborde comme autant d’agents non humains. Cette perspective volontairement désanthropocentrée se focalise sur les interactions interspécifiques et les communautés hybrides, ne dissociant pas le domaine social (parenté, théorie de la personne, rituel, chamanisme, échanges, pouvoirs) du domaine écologique (pratiques, techniques, savoirs locaux, régimes fonciers). Elle vise à saisir les logiques relationnelles et ontologiques présidant aux manières dont les différents collectifs d’humains constituent un vivre ensemble singulier avec les êtres qui existent dans leur monde. Cette perspective élargie a permis de revisiter des questions telles que les conceptions de la personne et de l’altérité, les modalités présidant aux liens entre les formes vivantes, les territoires et l’habitat, les savoirs et savoir-faire locaux, les catégorisations et les classifications, la perception des risques écologiques, ou encore les politiques mondiales de la nature dans leurs dimensions économiques, juridiques et politiques. Son originalité est de s'inscrire dans la diachronie en associant l'archéologie et les terrains à long terme afin d'appréhender et de restituer la dynamique spatio-temporelle de ces interrelations et des reconfigurations socio-écologiques qu'elles engendrent. Lors du contrat en cours, des collaborations étroites ont été développées avec des archéologues, co-porteurs d’un projet ANR, des chercheurs accueillis au laboratoire dans le cadre du programme PAUSE ou encore un post-doctorant de l’EHESS (M. Testé).

Formes vivantes et formes de vie

Il s’agit ici d’examiner l’articulation entre la vie entendue comme un phénomène biologique (« Life Form ») et la vie entendue comme un système de conventions organisant les collectifs (« Form of Life »). Dans ce cadre, l’étude des variations, dans le temps et dans l’espace, des « théories de la vie » que les sociétés humaines élaborent à partir des interactions avec leurs environnements vise à comprendre des phénomènes à l’interface entre le biologique et le social. De nouvelles thématiques comme la question du biomimétisme ont émergé pendant la période du contrat en cours, s’agissant d’une technique qui se distingue du mimétisme qui consiste à copier des êtres et des processus naturels, et qui vise à permettre aux humains d’instaurer une relation avec ces êtres, en fonction de diverses finalités sociales. Pour l’anthropologie sociale, ce champ d’investigation articule différents niveaux d’organisation (biologique, technique, social).

Relations entre hommes et animaux

Les hommes entretiennent des relations complexes avec les autres animaux, du fait de leur proximité et de l’importance cruciale de la domestication, sous ses diverses formes, dans l’histoire des sociétés. Alors que la question du statut des animaux (d’élevage, de compagnie et sauvages) est de plus en plus débattue en raison du développement actuel des mouvements « animalistes » en Occident, les recherches du LAS analysent en détail les techniques d’élevage, de pêche et de chasse, les pratiques rituelles et alimentaires, les biotechnologies, les techniques du soin et la gouvernementalité de la santé publique. Pendant la période du contrat en cours, le Laboratoire s’est également positionné au centre du débat national et international sur la question du rapport humains/animaux tant d'un point de vue sociale et juridique que politique.

Renouvellement de l’ethnobotanique

Le LAS a renoué avec les recherches françaises en ethnobotanique en renouvelant le questionnement anthropologique sur les façons dont les humains composent et tissent quotidiennement des liens avec l’altérité que décline de façon multiple le monde végétal. Ses chercheur.e.s s’interrogent sur les méthodes à déployer – ethnosapidologie, ethnoéthologie, ethnophytochimie – pour saisir la complexité de ces liens et rendre compte des propriétés singulières prêtées aux plantes, de leurs statuts, de leurs usages et de leur place dans les ontologies locales. On note l’attractivité et le dynamisme de cet axe de recherche qui concentre un grand nombre de financements sur projet lors du contrat en cours. La participation des membres du LAS à des instances consultatives du gouvernement, aussi bien qu’à des milieux associatifs ou des collectifs liés aux ZAD, témoigne de l’engagement actif de la recherche scientifique dans le débat portant sur les conditions d’un avenir commun, dans le monde contemporain.

Équipes concernées

« Anthropologie de la vie », « Relations hommes/animaux »

« Affectivité, perception, sensation : le corps agissant »

« Anthropologie de la perception : cosmopolitiques des attachements »

« Anthropologie comparative des sociétés et cultures musulmanes ».