Axe de recherche / Mondialisations et ethnographies globales

Cet axe vise à décrire et analyser les phénomènes de mondialisation contemporains. Le premier volet d’investigation concerne l’étude des pratiques afférentes au transfert des populations (humaines, animales et végétales), des informations, des richesses, des pouvoirs ou des formes de prestige d’une formation politique à l’autre, entre localités, provinces, régions et/ou continents. L’enjeu problématique est de déterminer par qui, pourquoi, où, et comment s’opèrent la mise en mouvement de flux, la mise en réseau de lieux, et l’interconnexion de sphères d’activités distinctes entre formations politiques souveraines. Le second volet complémentaire est l’étude du changement social et culturel à l’œuvre dans l’ensemble des sphères d’activité mises ainsi en relation, et dont les conditions d’exercice se trouvent modifiées par cette mise en circulation et ces procédés d’acculturation. L’enjeu est de rendre intelligible cette corrélation typique des phénomènes de mondialisation, en caractérisant la nature des transferts opérés, la nature des formations politiques ainsi reliées, et celle des changements et transformations en cours. Le traitement de telles problématiques implique l’aménagement des méthodes ethnographiques et leur adaptation à de tels objets d’étude, de par l’extension nécessaire des données empiriques produites dans la durée et dans l’espace, afin de déployer l’observation participante au croisement des temporalités et au cœur des jeux d’échelles. Il s’agit ainsi de développer l’ethnographie globale à partir des enquêtes multi-cas et multi-sites, pouvant être collectives et longitudinales, et sur lesquelles sont susceptibles de se greffer des techniques d’investigation propres à l’histoire (l’utilisation d’archives et de documentation), à l’archéologie (la réalisation de fouilles), à la sociologie (l’emploi d’entretiens semi-directifs et de questionnaires) et à la géographie (l’usage des images satellites, des S.I.G et de la cartographie). Les recherches conduites en ce sens au LAS se focalisent plus particulièrement sur certains types de transferts et de changements propres à des régions et continents spécifiques. Ces travaux relèvent de trois domaines.

Le premier domaine porte sur les formes de gouvernances autochtones, l’accaparement des terres et les droits de l’homme. Il s’agit d’étudier les souverainetés, les formes de subjectivations politiques et les revendications des peuples autochtones aux échelles locale, régionale et globale (Amazonie, Australie, Papouasie Nouvelle-Guinée, arc himalayen, les dispositifs (inter) étatiques et coutumiers de médiation et de résolution des conflits (Maghreb, Moyen-Orient) ; les investissements de capitaux occidentaux et asiatiques dans la réalisation de projets agro-industriels et miniers, ainsi que la reconfiguration juridique et coutumière des régimes d’appropriation foncière (Amazonie, Océanie, Océan indien) ; enfin, les adoptions transnationales et l’internationalisation des droits des minorités sexuelles depuis l’Europe.  Le second domaine porte sur l’invention des traditions et le transnationalisme. Les recherches des membres du LAS sont menées sur la propagation et la stabilisation des techniques de codification des savoirs, en particulier des écritures dans l’ensemble du continent amérindien ; les phénomènes d’acculturation au sein des diasporas des mégapoles européennes ; le syncrétisme et l’invention des traditions religieuses parmi les royautés sacrées et divines (Asie, Océan Indien), au sein des mouvements prophétiques scripturaires de l’Afrique subsaharienne, et dans les dispositifs autosacrificiels propres aux attentats-suicides diffusés depuis l’Asie du sud ; la propagation à travers les NTIC de rumeurs sorcellaires et d’épisodes de lynchage et de justice populaire (Afrique subsaharienne) ; la « sportivisation » des luttes traditionnelles concourant à l’émergence de nouvelles territorialités urbaines en Afrique de l’Ouest. 

Le troisième domaine porte sur la pandémie et les problématiques de santé globale. Sont ici prises en considération : la gestion des crises sanitaires en Asie orientale et en Europe à travers des enquêtes sur la régulation des marchés vivants, l’élevage animal et la normalisation des techniques d’anticipation ; les technologies de reproduction médicalement assistée en France et dans le monde arabo-musulman, et la gestation pour autrui en Europe, aux USA et en Inde ; la circulation des biomatériaux (organes, embryons, cellules souches) et la constitution de nouvelles formes de biocapital et de bioéconomies (biobanking, bioprotecting). Dans ce cadre, le laboratoire a accueilli de nombreux programmes de recherches pendant la crise sanitaire, notamment une ANR (RegWet) finançant des contrats doctoraux et la mission de plusieurs chercheur.e.s du LAS en Asie.

Cet axe de recherche transversal avait été identifié lors du précédent contrat quinquennal comme un axe « émergent » au sein du laboratoire. Depuis 2017, l’axe a été particulièrement renforcé. Même si, actuellement, aucune équipe de recherche n’est spécifiquement et entièrement consacrée aux questions de la mondialisation et du politique, plusieurs d’entre elles sont concernées par ces problématiques, notamment : « Affectivité, perception, sensation : le corps agissant », « Anthropologie Relations hommes/animaux », « Anthropologie de la perception : cosmopolitiques des attachements », « Anthropologie comparative des sociétés et cultures musulmanes », « Anthropologie linguistique », « Dynamiques relationnelles : parenté et socialité ». En outre, un programme de recherche piloté par Alexandre Surrallés et financé par l’ANR entre 2018 et 2023 porte précisément sur les politiques autochtones (projet AMAZ « Que veulent les Amérindiens ? Configurations socio-spatiales, enjeux politiques et débats ontologiques en Amazonie »), dans la continuité du GDRI APOCAMO (« Anthropologie politique contemporaine en Amazonie Occidentale »). Ce projet part du constat que depuis maintenant trois décennies, les sociétés indigènes d’Amazonie occupent sur l’échiquier politique, un rôle de plus en plus actif. Leurs organisations sont entrées en force dans l’arène politique nationale, leurs membres accédant parfois aux postes stratégiques de hauts représentants de l’État. Ces mêmes organisations deviennent également les acteurs principaux dans des centaines de conflits dits « environnementaux » qui secouent la région, contre les entreprises et les appareils d’État. Le projet associe le Laboratoire d’anthropologie sociale, le LESC, l’IFEA (Institut français d’études andines à Lima), le CESTA (Centro de Estudos Ameríndios, université de São Paulo), et le PPGAS (Programme de post-Graduação em anthropologie sociale, Université fédérale de Santa Catarina au Brésil).

Les travaux scientifiques consacrés à la mondialisation et au politique se déploient en outre dans le cadre des séminaires de recherche des enseignant.e.s-chercheur.e.s du laboratoire, par exemple « Anthropologie de l’État, anthropologie contre l’État » (Olivier Allard), « Théories anthropologiques de la mondialisation » (Laurent Berger), « Anthropologie de la nature et politique écologique » (Florence Brunois-Pasina), « Arts politiques » (Jean-Baptiste Eczet) ou encore « Anthropologie et histoire des royautés sacrées et divines » (Isabel Yaya-McKenzie). Enfin, une post-doctorante EHESS est accueillie au LAS en 2022-2023 sur la thématique de la mondialisation (Katherina Grüneisl).